A toi le salaud
A toi le salaud
J’ai rêvé des centaines de fois de t’écrire. J’ai eu besoin de beaucoup de temps, tu le vois, 10 ans.
Il y a eu ton premier visage, celui du premier grand amour. De celui plus âgé qui est venu chercher l’adolescente fragile et naïve pour panser ses propres blessures à l’égo. Qui l’a laissée tombée folle amoureuse et s’attacher à en perdre la raison.
Tu étais celui dont la simple vue provoquait une sensation d’euphorie. Dont le manque me poignardait le ventre. Je n’étais que toi, pour toi, à toi.
Tu es parti au bout de seulement quelques mois sans te donner la peine de la moindre explication, en me laissant hurler de douleur derrière toi à même le sol sans même te retourner et sans un regard, à m’étouffer dans mes sanglots et ma douleur, sans te soucier du contexte qui était le pire que personne ne puisse souhaiter. J’ai vécu un double deuil, celui qui me saignerait à jamais.
J’ai obtenu ce putain de bac avec un goût de sang dans la bouche, en luttant comme un chien contre ce foutu harcèlement scolaire qui m’enfonçait loin dans le gouffre du néant.
Pourtant je ne pensais qu’à toi, tu me hantais. Je restais collée à ce foutu téléphone dans l’espoir d’un signe, d’un message, d’un appel, d’un pardon, d’un merci, d’un va te faire foutre. Je ne mangeais presque plus, je n’étais que tournée vers cet objectif, c’est sûr tu reviendrais.
J’ai attendu de longues journées, de longues nuits. La vie a continué avant que tu ne m’envoies quelques lignes, j’avais l’impression d’être un chien qui recevait un bout d’os après un mois de disette, enfin en vie et pleine d’amour pour son tortionnaire.
C’est là qu’a commencé ton deuxième visage, celui du bourreau. Paumée dans mes années folles, égarée dans mon cerveau déphasé et dans une vie décalée, j’ai voulu me mettre avec quelqu’un d’autre dans l’espoir de t’oublier. Je me suis enfoncée dans cette relation toxique et destructrice sans me rendre compte que j’essayais simplement de t’oublier en me poignardant encore plus.
Mon corps sous pression a lâché, il paraitrait que c’est ma pilule qui m’a emmenée ce soir-là sur mon lit d’hôpital en étouffant et avec un trou dans la cage thoracique. Mais ça tu le sais, c’est le secret médical et on te fait signer des papiers pour que tu ne la ramènes pas trop.
Alors à deux doigts de passer de l’autre côté, et avec l’envie ferme d’y aller, je t’ai envoyé un au revoir. Et c’est là qu’après des mois de silence tu t’es manifesté, en me demandant de m’accrocher. M’as-tu sauvé la vie après l’avoir détruite ? Je n’irais pas aussi loin, mon cœur avait de toute façon décidé de s’accrocher malgré toutes mes supplications de cesser son battement cette nuit-là.
Tu as après cela voulu me voir, me revoir. Tu as provoqué des rencontres, envoyé des messages, essayé de m’embrasser. Ce jeu du chat et de la souris a duré de longs mois, très longs mois. Tu revenais, disparaissais, sans rien promettre ni trop donner. Tu jouais à un jeu dont seul toi avais les règles. Celui du « je viens pour exister ». Je donnais mon corps sans amour propre, juste pour le plaisir et l’extase de t’appartenir et que l’espace de quelques minutes tu ne sois qu’à moi.
Tu n’as jamais été là que pour ce sentiment d’exister dans les yeux d’une paumée complètement accroc à toi et à ta perversion narcissique. Un battement de cils, un message, une affection un peu appuyée et je rappliquai à ta porte.
A bout de tout, une lueur un jour s’est éclairée.
Tu étais là, assis devant moi, et soudain j’ai compris que tu ne t’engagerais jamais avec moi. Que je ne serais toujours qu’une parenthèse. Que je n’avais pas envie de cela. J’avais 22 ans et soudain ta présence dans la pièce m’a insupportée. Je t’ai demandé de partir. Tu m’as serrée une dernière fois dans tes bras, et ce jour-ci c’est moi qui t’ai regardé partir.
Ce n’était en rien une vengeance. C’était ce que j’aurais dû faire bien longtemps avant.
Et il y a eu ton troisième visage. Celui du lâche. Qui 6 ans plus tard a recommencé à vouloir exister. Qui une fois marié et père de famille devait se faire chier dans son petit foyer rangé. Qui s’est rappelé à ses vieux souvenirs et qui s’est dit que cette jeune déjantée avait peut-être un brin de folie qui manquait à sa vie. Peut-être étais-tu simplement en manque de cul avec celle que tu avais fait ta femme et la mère de ton fils.
A force de chercher à tout prix à capter mon attention sur les réseaux sociaux je t’ai à nouveau demandé de disparaitre. Mais comme le chat joue avec sa proie tu sais très bien que je suis faible, et il m’a suffi de quelques phrases bien tournées pour accepter de te revoir.
J’ai dû me battre pour que tu ne passes pas au charnel, te repousser, t’interdire. Pourtant il a bien fallu admettre que la flamme était toujours là et que c'était difficile. Tu as commencé à m’écrire nuit et jour, à ne plus me lâcher. A m’avouer des regrets dégoulinants de mauvaise foi. Mais le papillon se brûle les ailes près de la lumière, je répondais avide du prochain message.
Puis tu as disparu, à nouveau. Pas un signe de vie, plus rien. J’étais à nouveau désespérée, abattue, humiliée. Je voulais te revoir, te sentir, repartir à zéro, avoir la vie avec toi que nous aurions dû avoir.
Et tu n’es jamais revenu. Car comme un gros lâche que tu es, tu es retourné dans les jupes de ta femme, toujours sans la moindre explication.
Il m’aura fallu de longs mois pour me remettre d’avoir failli tomber à nouveau dans le piège du pervers narcissique que tu es et de ne comprendre que tu n’as aucun sentiment pour moi, que tu n’en as jamais eu, et que tu cherches simplement à exister dans les yeux de plus faibles que toi.
Aussi je te le dis haut et très fort après toutes ces années : va bien te faire foutre. Jusqu’à ce que, dans une tranchie de vie difficile, je cède à nouveau à tes sirènes démoniaques…